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15/03/2017: Annulation d’un « coup d’accordéon » et droits des minoritaires

Un « coup d’accordéon », décidé durant les congés d’été par l’associé majoritaire d’une société dans le but d’évincer les minoritaires du capital de celle-ci, sans que l’intérêt social le justifie, peut être annulé sur le fondement de la fraude aux droits des minoritaires.

Un « coup d’accordéon » est une opération consistant à réduire le capital social de la société, puis à l’augmenter dans la foulée, afin d’apurer les dettes sociales et d’équilibrer les capitaux propres au plus près du capital social.

Cette opération est cependant susceptible de porter atteinte aux droits des minoritaires lorsque ces derniers ne peuvent pas ou ne sont pas en mesure de participer à l’augmentation de capital subséquente.

La jurisprudence considère cette opération comme licite lorsque la survie de la société est en jeu, mais elle reste vigilante quant à sa mise en œuvre. La nullité d’une telle opération peut ainsi être encourue, sur le fondement de « l’abus de majorité », lorsqu’elle n’a pour seul objet que de remettre en cause les droits de certains associés minoritaires.

La jurisprudence reconnaît également la possibilité d’annulation d’une résolution d’assemblée générale fondée sur la fraude, sans qu’aucun abus de majorité ne soit simultanément retenu.

L’arrêt concerné donne une illustration récente des éléments pris en compte par la jurisprudence pour annuler un « coup d’accordéon ».

En l’espèce, l’assemblée générale d’une société par actions simplifiée, convoquée et tenue au mois d’août, décide de procéder à une réduction de capital à zéro, immédiatement suivie d’une augmentation de capital, à laquelle seul l’actionnaire majoritaire a souscrit.

Les actionnaires minoritaires, évincés de la société après réalisation de cette opération, ont contesté la validité de celle-ci et ont demandé l’annulation de l’assemblée générale l’ayant décidée.

La Cour de cassation a confirmé la décision de e la Cour d’Appel ayant fait droit à la demande des actionnaires minoritaires au motif que les délibérations de l’assemblée étaient intervenues en fraude de leurs droits.

La Haute juridiction s’est appuyée sur la méthode du « faisceau d’indices ». Il est ainsi relevé que la précédente assemblée générale n’avait pas été informée ni n’avait statué sur la situation négative des capitaux propres de la société et qu’en dépit de difficultés financières, la survie de la société n’était pas en jeu et ne justifiait pas la tenue d’une assemblée générale en plein mois d’août.

Il est également constaté que la méthode de recapitalisation de la société n’était pas nécessaire au regard de la situation de la société, pas plus qu’au regard de nouveaux éventuels investissements, et que l’augmentation de capital ayant été réalisée par compensation de créances, aucune trésorerie n’a été créée.

Les magistrats ont relevé enfin que l’opération de « coup d’accordéon » avait pour seul objectif d’évincer les actionnaires minoritaires sans qu’aucun des éléments produits n’établisse que cette éviction était justifiée par l’intérêt social de la société.

Par cet arrêt, la Cour de cassation caractérise ainsi une « fraude aux droits des minoritaires » en ayant recours aux critères liés à la fraude grâce à l’assemblée convoquée et tenue en août, période de congés, et à la lumière des critères relatifs à « l’abus de majorité » (décision contraire à l’intérêt social et prise dans l’unique objectif de favoriser des membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité).