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La réforme de la prescription en matière civile

Sommaire:

La finalité recherchée

La définition de la prescription

Les délais de prescription

Durée des délais de prescription

Le délai de droit commun

Les délais spécifiques

Les délais plus longs

Les délais plus courts

Le point de départ

L’interruption, la suspension des délais

La suspension

L’interruption

L’aménagement conventionnel des délais

L’application de la loi dans le temps

 

I – La finalité recherchée

La Loi est venue réformer la Procédure Civile dans le but d’en moderniser et d’en simplifier le régime.

Elle procède donc à une refonte des dispositions du Livre III du Code Civil consacré à la prescription.

L’un des motifs mis en avant pour justifier cette réforme tenait à la complexité du droit de la prescription alors qu’avaient été recensés pas moins de 250 délais différents.

Les anciens délais de prescription apparaissaient par ailleurs trop longs et inadaptés à l’époque contemporaine d’où une volonté de les raccourcir a priori de manière très importante.

 

II – La définition de la prescription

Le Code Civil ne donnait jusque là, qu’une définition unique de la prescription :

« La prescription est un moyen d’acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la Loi. » (ancien article 2219 du Code Civil)

La Loi du 17 juin 2008, quant à elle, rompt avec la conception faussement unitaire de la prescription et procède à une distinction entre la prescription acquisitive et la prescription extinctive.

L’article 2219 du Code Civil dispose que :

 » La prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps »

L’article 2258 du Code Civil prévoit que :

« La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. »

 

III – Les délais de prescription

 

La durée des délais de prescription:

La prescription se compte par jours et non par heures.

Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est acquis.

Le but de la réforme étant de mettre fin au chaos ambiant, le Législateur va édicter un délai de droit commun de cinq ans tout en prévoyant des exceptions propres à certaines matières.

 

Le délai de droit commun:

Le délai de cinq ans est jugé comme présentant un juste équilibre entre le risque qu’un délai de prescription trop long ne crée de l’insécurité juridique et le risque qu’un délai trop court ne devienne une source d’injustice pour les titulaires du droit.

Après avoir posé le principe de ce délai de droit commun, la Loi nouvelle précise que ce délai s’applique à certaines matières ; il en est ainsi de « l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur étaient confiées » (article 2225 du Code Civil).

L’intérêt de ce texte est d’harmoniser les délais car l’ancien article 2277-1 du Code Civil prévoyait un délai décennal pour certaines professions judiciaires et juridiques.

De même, le délai quinquennal s’applique expressément aux actions en responsabilité contre des experts pour des faits se rapportant à leur mission et aux actions en paiement de salaires.

Le délai de cinq ans s’applique aux obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants.

 

Les délais spécifiques :

La situation de chaos précédente demeure très largement, dès lors que l’article 2223 nouveau du Code Civil réserve l’application des règles spéciales prévues par d’autres lois codifiées ou non à laquelle les dispositions de la réforme, ne font pas obstacle.

« Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle à l’application des règles spéciales prévues par d’autres lois » Article 2223 nouveau du code Civil

Par ailleurs, la Loi prévoit dans certaines hypothèses, des délais plus courts, ou, au contraire, plus longs.

    • Les délais plus longs

Délai trentenaire :

« Les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » Nouvel article 2227 du Code Civil.

Il s’agit d’une reprise de la solution classique en la matière.

Le Législateur reste apparemment attaché à l’immeuble, première source de richesse.

Il pose que « le droit de propriété est imprescriptible »

Le délai de trente ans est également maintenu pour les actions en nullité absolue de mariage (ex : en raison de la bigamie de l’un des époux)

Délai décennal :

Le délai décennal s’applique à la prescription acquisitive de bonne foi et à la responsabilité décennale envisagée aux articles 1792-1 et suivants du Code Civil.

Il est désormais seul applicable aux titres exécutoires et en matière de responsabilité civile qu’elle soit contractuelle ou délictuelle pour les dommages corporels à l’exception du préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, où le délai de prescription est encore allongé et sera de vingt ans.

    • Les délais plus courts :

Les délais plus courts ne sont pas globalement remis en cause.

Seul le délai applicable aux actions des notaires et des Huissiers de Justice en recouvrement des honoraires sont portées de deux à cinq ans.

Les délais plus courts sont jugés justifiés par les matières particulières qu’ils concernent.

Une réforme globale n’aurait pas été justifiée.

La Loi précise cependant quelques durées plus courtes.

Délai biennal :

* Action en responsabilité contre les constructeurs en ce qui concerne les éléments d’équipements avec comme point de départ, la réception des travaux

*Action en responsabilité contre les Huissiers de Justice à raison de la destruction des pièces qui leur sont confiées (cinq ans pour les Avocats)

* Action des professionnels contre les consommateurs.

Délai annal :

* applicable aux transports maritimes.

    • Le point de départ:

La Loi nouvelle a fait le choix d’un point de départ glissant du délai de prescription en l’associant à un délai butoir.

Un point de départ « glissant »

Le nouvel article 2224 du Code Civil dispose que le point de départ du délai « est le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »

La notion de bonne foi est ainsi suggérée.

Le point de départ est fixé subjectivement car il dépend de la connaissance du créancier.

La Loi précise toutefois que la prescription ne court pas « à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive ; à l’égard d’une action en garantie, jusqu’à ce que l’éviction ait lieu, à l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivée (nouvel article 2246 du Code Civil reprenant les dispositions antérieures)

Il existe des dérogations qui conduisent à fixer un point de départ objectif du délai de prescription, détaché de la connaissance de la possibilité d’exercer son droit.

  • Action en nullité du mariage : date de la célébration
  • Action en responsabilité civile : date de consolidation du dommage « initial ou aggravé »
  • Ä Action en matière d’environnement : date du fait générateur

Le délai glissant étant source d’insécurité juridique, le Législateur l’a doublé d’un délai butoir.

Un délai butoir :

Le délai butoir est fixé à vingt ans à partir du jour de la naissance du droit (2232 nouveau du Code Civil)

Toutefois, ce délai ne s’applique pas dans certaines hypothèses :

  • Actions en réparation de dommages corporels, de préjudices causés par des actes de torture ou de barbarie, d’agressions sexuelles ou de violences sur mineurs
  • Actions en responsabilité contre les professionnels de santé
  • Actions réelles immobilières
  • Actions relatives aux personnes

En ces hypothèses, l’on estime que la protection du droit d’agir doit primer la sécurité juridique.

 

IV – L’interruption, la suspension des délais

 

La suspension :

« La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru » 2230 nouveau du Code Civil.

La prescription ne court pas ou est suspendue :

  • contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure
  • contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf exception liées aux créances périodiques
  • entre époux ou partenaires liés par un PACS.
  • lorsque le Juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.

La suspension vaut jusqu’au jour où la mesure est exécutée ; un délai de six mois minimum pour agir est prévu après la cessation de la cause de suspension.

La Réforme vient conférer un effet suspensif aux procédures de résolution amiable des conflits.

Le nouvel article 2238 du Code Civil dispose :

« La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation »

Le rapport à l’Assemblée nationale semblait considérer que la suspension n’est accordée sauf accord exprès des parties, qu’aux médiations et conciliations encadrées et reconnues par la loi à savoir les médiations et conciliations judiciaires.

Cependant, rien dans le texte de l’article précité n’y fait référence.

Par ailleurs, lorsque la conciliation et la médiation sont judiciaires, certaines dispositions existent déjà qui permettent de préserver les droits.

L’article 2245 ancien du Code Civil prévoyait une suspension du délai lors d’une demande pour tentative préalable de conciliation, à la condition qu’en cas d’échec, l’action soit reprise au fond dans les délais de droit.

Lorsque la conciliation ou la médiation est judiciaire, elle s’inscrit dans le cadre d’une instance et l’effet suspensif attaché à l’effet interruptif de la demande en justice perdure toujours.

En réalité, la seule insuffisance en ce cas portait sur la conciliation préalable au recours aux juges devant le conciliateur de justice qui n’avait curieusement aucun effet sur le délai de prescription.

A défaut de précision du nouveau texte, cette cause de suspension pourrait s’appliquer au jeu des clauses de conciliation préalable.

Le choixa été fait d’une suspension plutôt que d’une interruption sans doute pour ne pas retarder le traitement des litiges.

 

L’interruption :

« L’interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien » Article 2231 du Code Civil.

Trois causes d’interruption propres à la prescription extinctive sont prévues :

  • La reconnaissance de droit
  • L’acte d’exécution forcée
  • La citation en justice même en référé, y compris devant une Juridiction incompétente et même lorsque l’acte de saisine est annulé en raison d’un vice de procédure

L’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.

L’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance ou si sa demande est définitivement rejetée.

 

V – L’aménagement conventionnel des delais

 

L’article 2254 du Code Civil prévoit en son alinéa 1er que la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties (pas moins d’un an, ni plus de dix ans)

Les parties peuvent également conventionnellement créer des causes de suspension ou d’interruption de la prescription.

Exceptions :

  • Les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et généralement des actions en paiement de créances périodiques
  • Interdiction desdits aménagements dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, dans les contrats d’assurance

Seule une prescription acquise est susceptible de renonciation ; la renonciation peut être expresse ou tacite c’est-à-dire résulter de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.

 

VII – L’application de la loi dans le temps

 

La loi nouvelle n’aura aucune incidence sur les actions déjà prescrites lors de l’entrée en vigueur de la présente Loi.