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Le Coronavirus peut-il constituer un cas de force majeure ?

Newsletter mars 2020 :

Le Coronavirus peut-il constituer un cas de force majeure ?

On le sait désormais, le coronavirus COVID 19 va avoir des conséquences importantes sur l’activité économique. Ainsi, de nombreux domaines d’activité se trouvent paralysés par l’apparition de l’épidémie.

La question se pose de savoir si le coronavirus peut être invoqué comme constituant un cas de force majeure justifiant l’inexécution par le débiteur de ses obligations.

 

Rappelons que le Ministre de l’économie et des finances a annoncé que le coronavirus sera considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises dans les marchés publics de l’État, de telle sorte que les pénalités prévues en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles ne trouveront pas à s’appliquer.

 Le coronavirus ne constituera un cas de force majeure que dans l’hypothèse où les conditions posées à l’article 1218 du Code civil sont réunies.

 

En effet, c’est cet article qui définit ce qu’est la « force majeure » :

 «  Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »

 

Pour caractériser la force majeure, diverses conditions doivent donc être remplies :

  

L’événement ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat
 

L’une des parties ne pourra se prévaloir de l’existence d’une force majeure tenant à l’épidémie de coronavirus dans l’hypothèse où cet événement était connu lors de la conclusion du contrat.

Ainsi, si le contrat est conclu postérieurement à la survenance de l’épidémie, le débiteur de l’obligation qui a contracté en connaissance du contexte ne pourra se prévaloir de celle-ci pour excuser le non-respect de ses obligations.

La question qui se pose, toutefois, est de savoir quelle date sera retenue comme étant celle du début de l’épidémie.

S’agira-t-il de la date de l’apparition de l’épidémie en Chine, premier Etat touché ou de la date de l’apparition de l’épidémie en Europe ? ou encore en France ?

Il peut y avoir un débat sur cette question.

Prenons l’exemple d’une entreprise française qui se fournit en matériaux de construction en Italie et qui est empêchée de poursuivre ses chantiers en France à défaut de livraison du matériel commandé.

Il est fort probable que les tribunaux saisis refusent de retenir la force majeure si cette entreprise a conclu le marché de travaux après le début de l’épidémie en Italie et alors qu’en France, celle-ci ne sévissait pas encore.

   

L’événement doit échapper au contrôle du débiteur
 

Le coronavirus peut-il être considéré comme un évènement échappant au contrôle du débiteur ?

Bien évidemment, il n’existe aucune décision de justice à ce jour s’appliquant au coronavirus.

En revanche, les décision antérieures rendues dans l’hypothèse où la maladie du débiteur l’empêche d’exécuter la prestation contractuellement convenue éclairent sur la réponse à apporter à cette question.

En 2006, la Cour de cassation a jugé qu’il y a force majeure lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter ses obligation du fait de son incapacité temporaire partielle résultant de l’infection et de la maladie grave survenues après la conclusion du contrat dès lors que cet événement présente un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution.

La Cour de Cassation a relevé, dans sa décision, que les attestations versées aux débats démontraient la dégradation brutale de l’état de santé du débiteur et faisaient la preuve d’une maladie irrésistible.

L’on peut donc imaginer que le débiteur de l’obligation, atteint personnellement du coronavirus pourra se prévaloir de la force majeure, puisqu’il n’est plus en mesure de fournir la prestation prévue notamment lorsque celle-ci exige qu’il effectue des déplacements et ait des contacts ; ce qui est incompatible avec le confinement qui lui est imposé.

Bien évidemment, la preuve devra être rapportée de l’incapacité totale pour le débiteur de l’obligation de l’exécuter.

 

L’impossibilité de recourir à des mesures appropriées pour remédier aux effets du coronavirus
 

La force majeure ne pourra être retenue que dans l’hypothèse où l’épidémie de coronavirus empêche l’exécution de l’obligation et alors qu’aucune mesure appropriée ne permet de remédier à ses effets.

Ainsi, si l’on reprend l’affaire soumise à la Cour de Cassation en 2006, celle-ci avait retenu la force majeure parce que le débiteur était empêché d’exécuter la prestation convenue et qu’il était seul en mesure de fabriquer la machine commandée.

Si des mesures avaient pu être prises pour faire fabriquer la machine par un tiers, la Cour de Cassation n’aurait pas dédouaner le débiteur de son obligation sur le fondement de la force majeure.

Par ailleurs, on peut imaginer un scénario dans lequel le débiteur de l’obligation est confronté non à sa propre maladie mais à celle de ses salariés ou fournisseurs.

La force majeure ne pourra être retenue que s’il apparaît qu’aucune mesure appropriée ne pouvait être envisagée pour exécuter les obligations comme, par exemple, le recours à des remplaçants, le changement de fournisseurs …

Ainsi, il ne suffira pas au débiteur de l’obligation de se prévaloir du coronavirus dont il est affecté ou de celui de ses salariés ou fournisseurs pour être dédouané de ses obligations.

Il devra démontrer qu’il lui est impossible d’exécuter ses obligations  compte-tenu de l’absence mesures alternatives possibles.

  

L’existence d’un empêchement

 
Le coronavirus ne sera considéré comme un cas de force majeure que dans l’hypothèse où il en résulte pour le débiteur un empêchement d’exécuter ses obligations.

Ainsi, si l’exécution de l’obligation est juste compliquée par l’effet de l’épidémie, la force majeure ne sera pas retenue.

Reste à dire que l’épidémie de coronavirus ne va pas forcément exempter définitivement le débiteur de ses obligations.

 

En effet, l’article 1218 du Code civil déjà évoqué ci-dessus prévoit deux hypothèses d’empêchement :

 

– L’empêchement temporaire
 

« Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat »

A notre sens, l’épidémie de coronavirus doit être considérée comme un empêchement temporaire de telle sorte que l’exécution de l’obligation sera suspendue mais que le débiteur, une fois cet empêchement disparu, devra exécuter son obligation.

Il ne pourra donc se dédouaner de manière définitive de son obligation contractuelle en arguant du coronavirus.

Ce n’est que dans l’hypothèse où le retard dans l’exécution de l’obligation qui résulterait du coronavirus justifierait la résolution du contrat que le débiteur sera définitivement libéré de ses obligations.

Il s’agira, par exemple, d’une hypothèse dans laquelle une prestation de services n’avait de raison d’être que si elle était impérativement réalisée à telle date comme, par exemple, une prestation de service de traiteur pour un événement fixé à une date donnée désormais dépassée.

En ce cas, le contrat sera résolu.

  

– L’empêchement définitif
 

« Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations. »

Sauf scénario dramatique, cette hypothèse n’a pas vocation à s’appliquer à l’épidémie de coronavirus.

 

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