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Stress et souffrance au travail: les règles applicables

Sommaire:

Définition du stress

L’employeur doit d’abord identifier les facteurs de stress

L’employeur doit ensuite prévenir, éliminer, ou à défaut réduire le stress au travail

Que peut-il se passe si l’employeur ignore ses obligations?

 

Le stress est un mal qui fait partie de la vie des entreprises.

Il peut être stimulant et rendre les collaborateurs beaucoup plus productifs, performants et efficaces.

Il conduit en effet à la sécrétion d’adrénaline et de noradrénaline qui vont agir comme un véritable dopant.

Mais si cet état perdure, il va fatiguer l’organisme car les réserves vont avoir du mal à se recharger et les complications vont très vite avoir un impact négatif sur la santé (troubles du sommeil, troubles musculo-squelettiques, maladie cardiovasculaires, accidents du travail, etc..).

Selon certaines études, le stress coûterait à l’industrie américaine environ 200 milliards de dollars chaque année en perte de productivité, en maladies ou décès prématurés ou encore en départ de personnel.

En Europe, plus de 41 millions de salariés sont affectés par le stress au travail ce qui se traduit en pertes de millions de jours de travail liés aux arrêts maladie.

Le stress chronique est donc un facteur impactant négativement les performances et la productivité au sein des entreprises.

La médiatisation de suicides au sein de certaines grandes entreprises a contribué à la prise de conscience du phénomène.

Il ne peut plus s’agir d’un sujet ignoré ou tabou et ce, quelle que soit l’entreprise.

D’une manière générale, il convient de rappeler que l’employeur a, en matière de sécurité physique ou morale des salariés, une obligation de résultat envers ceux-ci.

La Cour de Cassation estime depuis le 28 Février 2002 que tout manquement à cette obligation de résultat, notamment révélé par un accident ou une maladie a le caractère d’une faute inexcusable si l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposés les salariés et s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver.

Ce principe est désormais bien ancré dans notre droit.

La question se pose alors en matière de stress si un employeur a, ou aurait dû, avoir conscience du danger auquel peuvent être exposés les salariés.

Il sera désormais difficile a un chef d’entreprise d’ignorer la prise en compte du phénomène dans la mesure où il existe une réglementation en la matière qui va être la source de très nombreux contentieux dans les années qui viennent (tant devant les Conseils de Prud’hommes que devant les juridictions de sécurité sociale).

En effet, l’accord national interprofessionnel en date du 2 juillet 2008 sur le stress au travail transpose en droit Français l’accord Européen qui avait été adopté par les partenaires sociaux européens.

Il a fait l’objet d’un arrêté d’extension en date du 23 avril 2009 de sorte qu’il est applicable à toute les entreprises quelle que soit leur taille ou leur domaine d’activité et s’applique à tout type de contrat ou de relation d’emploi.

Il a été signé par l’ensemble des organisations syndicales ce qui démontre qu’il s’agit d’une préoccupation partagée par l’ensemble des partenaires sociaux comme constituant un facteur important dans la productivité et la compétitivité des entreprises.

Encore convient-il de savoir ce que l’on entend par stress et encore plus par stress au travail.

 

I) DEFINITION DU STRESS

Aux termes de l’accord, un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne à des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face.

Une telle définition prend donc en compte l’aspect subjectif de la notion puisqu’il s’agit à chaque fois de la perception que peut avoir un salarié de la situation à laquelle il est exposé.

Cette définition est justifiée par le fait que différents individus peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et un même individu peut, à différents moments de sa vie, réagir différemment à des situations similaires.

Autant il peut être considéré qu’une exposition limitée dans le temps ou l’intensité peut être stimulante (et donc bénéfique pour la performance), autant une exposition trop intense ou prolongée aura les effets inverses.

Il peut paraître délicat, au regard d’une telle définition, de savoir quand un collaborateur est en état de stress puisque la composante subjective est prise en compte.

La mise en place d’une prévention efficace afin de répondre à l’obligation de résultat qui pèse en matière de sécurité sur l’employeur suppose d’abord la mise en place d’indicateurs de mesure du stress ou à tout le moins de recenser et d’identifier les facteurs de risque.

A cet égard, l’Accord National apporte des précisions sur les obligations en la matière.

 

II) L’EMPLOYEUR DOIT D’ABORD IDENTIFIER LES FACTEURS DE STRESS

L’accord précise qu’un certain nombre d’indicateurs peuvent révéler la présence de stress en entreprise justifiant la prise de mesures adaptées pour lutter contre le phénomène.

Il s’agit, par exemple, du niveau d’absentéisme, de rotation du personnel fondé en particulier sur les démissions, de conflits personnels ou de plaintes fréquentes de la part des travailleurs, d’un taux de fréquence des accidents du travail important, de passages à l’acte violents contre soi-même ou contre d’autres mêmes s’ils sont peu nombreux ou encore d’une augmentation significative des visites spontanées au service médical.

Les facteurs de stress doivent être analysés et peuvent résulter notamment :

  • De l’organisation et des processus de travail (aménagement du temps de travail, dépassement excessif et systématique d’horaire, degré d’autonomie, mauvaise adéquation du travail à la capacité ou aux moyens mis à disposition des travailleurs, charge de travail réelle manifestement excessive, objectifs disproportionnés ou mal définis, mise sous pression systématique etc..)
  • Des conditions et de l’environnement de travail (exposition à un environnement agressif, à un comportement abusif, au bruit, à une promiscuité trop importante pouvant nuire à l’efficacité, à la chaleur, à des substances dangereuses, etc…).
  • De la communication (incertitude quant à ce qui est attendu au travail, perspectives d’emploi, changement à venir, mauvaise communication concernant les orientations ou les objectifs de l’entreprise, communication difficile entre les acteurs, etc…)
  • Des facteurs subjectifs (pression émotionnelle et sociale, impression de ne pouvoir faire face à la situation, perception d’un manque de soutien, difficulté de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, etc…)

Le principe a été posé que dès qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou à défaut de réduire. La responsabilité de déterminer les mesures appropriées incombe à l’employeur qui devra y associer les institutions représentatives du personnel et à défaut les salariés eux-mêmes.

Le rôle du médecin du travail est également important en la matière.

 

III) L’EMPLOYEUR DOIT ENSUITE PREVENIR, ELIMINER OU A DEFAUT, REDUIRE LE STRESS AU TRAVAIL

Il est évident que l’identification des facteurs de stress et leur mesure ne servent à rien si des mesures préventives et correctives ne sont pas mises en place.

Le texte dispose que les mesures peuvent être collectives, individuelles ou concomitantes.

Il est surtout important de souligner que les partenaires sociaux ont posé comme obligation celle de réexaminer régulièrement les mesures de lutte contre le stress afin d’évaluer leur efficacité ainsi que leur impact tel qu’il ressort des indicateurs.

Dans ce cadre, il faudra déterminer s’il a été fait un usage optimal des ressources et si les mesures définies sont encore appropriées ou nécessaires.

Ces mesures incluent par exemple :

  • Des mesures visant à améliorer l’organisation, les processus, les conditions et l’environnement de travail, à assurer un soutien adéquat de la direction aux personnes et aux équipes, à donner à tous les acteurs de l’entreprise des possibilités d’échanger à propos de leur travail, à assurer une bonne adéquation entre responsabilité et contrôle sur le travail, et des mesures de gestion et de communication visant à clarifier les objectifs de l’entreprise et le rôle de chaque salarié.
  • La formation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, et en particulier de l’encadrement et de la direction afin de développer la prise de conscience et la compréhension du stress, de ses causes possibles et de la manière de le prévenir et d’y faire face.
  • L’information et la consultation des salariés et/ou leurs représentants, conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques européennes et nationales.

 

IV) QUE PEUT-IL SE PASSER SI L’EMPLOYEUR IGNORE SES OBLIGATIONS?

S’agissant encore une fois d’une obligation de résultat qui pèse sur l’employeur en matière de santé morale des salariés, toute personne qui subirait des conséquences médicales liées au stress au travail pourrait engager la responsabilité du chef d’entreprise ou de l’entreprise elle-même.

Cela pourrait par exemple se produire en cas de rythme de travail trop soutenu ou qui ne respecterait pas l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Cela pourrait également se concevoir lors de la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi en raison d’une situation économique difficile sans que l’employeur prenne la peine d’accompagner les salariés dans l’angoisse légitime qu’ils ont d’attendre quel sera leur sort dans un tel contexte.

Il devient de moins en moins rare de voir les salariés s’emparer du contenu de l’accord national interprofessionnel pour en tirer vis-à-vis de leur employeur des conséquences qui peuvent être extrêmement lourdes.

À titre d’exemple, la cour d’appel de Douai a décidé dans un arrêt en date du 31 mai 2012 d’engager la responsabilité d’un employeur qui, à l’occasion d’une fusion avec une autre entreprise, a laissé le salarié dans l’ignorance de son sort et du rôle qu’il allait jouer après cette opération de fusion.

Le salarié, particulièrement angoissé par cette situation, a fait l’objet d’arrêts de travail pour dépression.

Il a sollicité du juge que celui-ci prononce la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Il estimait en effet que ce dernier avait gravement manqué à ses obligations en ne prenant aucune mesure qui aurait permis de lui éviter le stress lié à l’ignorance temporaire de son sort.

À juste titre ont estimé les juges lesquels ont lourdement condamné l’employeur à verser des dommages-intérêts au salarié au même titre que s’il s’agissait d’un licenciement abusif.

Au-delà d’une telle sanction, le salarié pourrait parfaitement tenter de faire passer sa dépression comme étant une maladie ayant une origine professionnelle et solliciter à nouveau des dommages-intérêts à l’encontre de son employeur au titre de la faute inexcusable de celui-ci.

Au-delà de cet exemple, qui ne concerne qu’un seul salarié, on aurait pu imaginer que tout le personnel du service concerné par l’opération de fusion aurait pu solliciter la condamnation de l’entreprise.

Il n’est donc plus permis d’ignorer cet important phénomène pour une entreprise sous peine de s’exposer à de graves déconvenues judiciaires.