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01/04/2022 : La protection du lanceur d’alerte par la Chambre Sociale de la Cour de cassation

Alors que le Sénat vient d’adopter la proposition de loi visant à améliorer la protection du lanceur d’alerte, la Chambre Sociale de la Cour de cassation y est allée de son ajout en rendant un arrêt s’inscrivant nettement dans cette action. 

Le 19 janvier 2022, elle a jugé nul le licenciement d’un lanceur d’alerte ayant averti d’une situation de conflit d’intérêts dans son entreprise. 

La définition classique du lanceur d’alerte le révèle comme un salarié qui, de bonne foi et de manière désintéressée avertit son employeur d’un risque grave pour la santé publique ou l’environnement.

De manière plus étendue, elle englobe également les risques de dysfonctionnements internes, organisationnels, financiers.

Dans l’affaire qu’a eu à juger la Haute Juridiction, un assistant dans une société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes avait alerté son employeur d’un conflit d’intérêt entre ses missions d’expert-comptable et de commissaire aux comptes.

Le salarié avait précisé à l’employeur qu’à défaut de pouvoir en discuter avec lui, la commission régionale des commissaires aux comptes serait saisie. 

La veille de l’entretien préalable au licenciement, il avait effectivement saisi cette commission. Le salarié a été licencié pour faute grave. 

Il a contesté ce licenciement et a obtenu raison en appel, avant qu’un pourvoi ne soit formé par l’employeur. 

Les arguments de celui-ci : 

  • Le licenciement ne peut être nul si le licenciement du lanceur d’alerte intervient avant la dénonciation de l’infraction 
  • Le salarié est de mauvaise foi en ce que le licenciement reposait sur des reproches qui lui avaient été formulés, et qu’il souhaitait en réalité faire pression sur l’employeur pour faire échec à toute sanction. 

La Cour de cassation a cela dit donné tort à cette argumentation. 

Le licenciement du lanceur d’alerte dénonçant des agissements prohibés par le code de déontologie des commissaires aux comptes est bel et bien nul.

Sur quels points la Chambre Sociale a-t-elle fondé son raisonnement ?

1. La violation d’une liberté fondamentale

Le salarié dispose au sein de l’entreprise, comme tout citoyen, de sa liberté d’expression. Il est donc libre de signaler des conduites illicites qu’il constate au cours de son contrat de travail qui, si elles étaient établies, caractériseraient des infractions pénales ou des manquements déontologiques.

2. La concomitance du lancement de la procédure de licenciement avec l’alerte

Le salarié a relevé des cas d’auto-révision sur plusieurs entreprises, interdits par le code de déontologie de la profession. 

Il en a informé son employeur par lettre le 3 février 2011 et s’est vu, dans le même temps, faire l’objet du lancement de la procédure disciplinaire à son encontre, l’employeur lui ayant d’ailleurs refusé toute explication.

3. Le défaut de preuve de la mauvaise foi du salarié

Une mention intéressante de l’arrêt précise que l’employeur « ne soutenait pas que le salarié avait connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonçait » et « que la mauvaise foi de ce dernier n’était pas établie ». 

Une information utile sur les moyens de défense de l’employeur 

La Cour nous apprend qu’avec une telle démonstration, le licenciement pourrait être considéré comme pourvu d’une cause réelle et sérieuse. A charge pour l’employeur d’en apporter la preuve.