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10/04/2023 : Un agent public qui demande sa retraite anticipée pour invalidité peut-il percevoir le chômage ?

Telle est la question récemment soumise au Conseil d’Etat, saisi du pourvoi d’un agent public territorial.

A l’issue d’un congé de longue durée de 4 ans, la requérante avait sollicité du président du Conseil départemental l’admission à la retraite anticipée pour invalidité. La commission de réforme, saisie pour avis, a conclu à une inaptitude définitive absolue à toutes fonctions, puis la Caisse nationale des retraits des agents des collectivités locales a conclu à la mise à la retraite anticipée au motif d’un taux global d’invalidité de 50%, sans bénéfice d’une rente d’invalidité.

L’agent a été radié des cadres pour invalidité à la date qu’elle avait sollicitée et admise à la retraite anticipée. Elle s’est ensuite inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi, puis a sollicité le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi au Département. Cette demande ayant été implicitement rejetée, l’agent a saisi le Tribunal administratif aux fins d’annulation du refus.

Les conditions pour bénéficier de l’assurance chômage

On rappellera que, s’agissant de l’indemnisation chômage, les agents publics se voient appliquer l’article L.5421-1 du code du travail qui prévoit qu’en complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d’emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement.

Il appartient aux employeurs publics chargés d’indemniser leurs agents de s’assurer qu’ils remplissent les conditions auxquelles est subordonné le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.

Le contrôle du juge administratif en cas de refus

Lorsque le juge administratif statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l’administration détermine les droits d’un travailleur privé d’emploi, eu égard à la finalité de son intervention et à sa qualité de juge de plein contentieux, il examine les droits de l’intéressé en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent du dossier.

Il peut annuler le refus ou le réformer en fixant lui-même le montant des droits de l’intéressé ou en renvoyant à l’administration le soin de le fixer au vu des motifs du jugement.

S’agissant du chômage, le juge se prononce au regard des dispositions applicables à la situation de fait existant au cours de la période en litige.

La solution au litige

En l’espèce, le Conseil départemental pouvait-il refuser le bénéfice du chômage à la requérante ?

Le Tribunal administratif a jugé que la requérante n’était pas éligible à l’ARE, en ce qu’elle ne justifiait pas remplir la condition d’aptitude à l’emploi, faute de produire de pièces médicales et vu l’avis d’inaptitude définitive et absolue à toute fonction publique.

Ce jugement est censuré pour erreur de droit par le Conseil d’Etat : il rappelle que le contrôle de l’aptitude à l’emploi relève, en vertu de l’article 5426-1 du code du travail, de la compétence du préfet et que la condition d’aptitude est réputée remplie tant que l’agent demeure inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi. En effet, l’article L.5411-5 du même code fait obstacle à l’inscription des personnes invalides au sens de l’article L.341-4 du code de la sécurité sociale (absolument incapables d’exercer une profession et bénéficiant à ce titre d’un avantage social lié à une incapacité totale de travail).

Le Tribunal administratif aurait donc dû examiner la situation à l’aune de ces dispositions.

En revanche, le Conseil d’Etat vient valider la légalité du refus sur un autre fondement : il considère que seule la mise à la retraite d’office constitue un cas de perte involontaire d’emploi pouvant ouvrir droit, pour un agent des collectivités territoriales qui remplit les autres conditions, à une allocation chômage.

C’est un principe qu’il déduit des articles L.29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et 30 du décret du 26 décembre 2003 sur l’affiliation à la CNRACL, qui prévoient la retraite d’office à l’initiative de l’employeur ou à la demande de l’agent.

Or, la requérante avait sollicité son admission à la retraite anticipée. Etant à l’origine de la demande, elle ne pouvait donc bénéficier du chômage à la date de sa radiation.

Cette solution, logique dans son principe, doit inviter les agents à réfléchir aux conséquences financières de leur demande de retraite anticipée et à apprécier l’opportunité de laisser l’employeur public les placer d’office à la retraite (ce qui peut intervenir plus tardivement ou plus lentement).

Etant rappelé qu’à l’expiration du délai de carence afférant aux travailleurs volontairement privés d’emploi (par démission par exemple), ces derniers peuvent solliciter le réexamen des droits.

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A consulter également notre article sur la durée d’indemnisation chômage.