La réponse à cette question, qui s’est posée à la Cour administrative d’appel de Marseille le 3 octobre dernier, n’est pas aussi évidente qu’il y paraîtrait.
Quel était le contexte ?
Un adjoint technique territorial, affecté au service du courrier en qualité d’agent de traitement du courrier, avait demandé à bénéficier du rythme de travail des agents travaillant en brigade, organisé selon une durée de six heures par jour et trente heures par semaine.
Il avait saisi le Tribunal administratif de Marseille pour annuler le refus opposé par le directeur des ressources humaines, requête qui a été rejetée. Il a donc interjeté appel du jugement.
Le débat a porté sur la recevabilité même de l’action introduite par l’agent au regard de l’acte attaqué.
En effet, avant même d’examiner l’affaire au fond, la juridiction administrative commence par déterminer si l’objet du recours concerne bien une décision administrative susceptible de recours. On parle « d’acte décisoire » ou « d’acte faisant grief » à partir du moment où l’acte vient modifier l’ordonnancement juridique. Dans le cas contraire, on estime que le requérant n’a pas « intérêt à agir ».
Cela peut être le cas parce qu’il ne s’agit que d’un acte préparatoire, qui intervient en amont de la décision au cours d’une procédure (avis rendu par un organe consultatif) : on peut tirer argument de l’irrégularité de celui-ci au moment de critiquer la légalité de la décision finale.
Cela peut aussi être un acte informatif : l’administration ne décide pas, elle prévient du sens d’une décision qu’elle pourrait prendre, ou porte des éléments à la connaissance de l’intéresser sans modifier sa situation juridique à ce stade. Cela peut être par exemple une mise en demeure.
Le juge administratif n’est pas lié par la forme ou la qualification de l’acte donné par l’administration. Par exemple, ce n’est pas parce que l’acte indique les voies et délai de recours que cela suffit à lui donner la qualité de décision.
Quelle est la réponse apportée ?
Dans cette affaire, l’employeur n’avait pas accédé à la demande de modifier le régime d’heures de travail.
La Cour rappelle tout d’abord que les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours.
Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ou qui refusent l’application d’un régime d’horaires de travail, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent de perte de responsabilités ou de rémunération.
Il en résulte que le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable, alors même que la mesure en cause aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l’agent concerné.
En l’espèce, il ressortait du dossier, et notamment de la fiche de poste de l’agent, qu’il exerçait ses missions dans le cadre d’un régime d’horaires décalés de sept heures par jour, selon un cycle de matinées de 7 h 30 / 8 h jusqu’à 14 h 30 / 15 h ou un cycle d’après-midi de 10 h à 17 h, soit une durée hebdomadaire de trente-cinq heures, conforme à l’article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat et dans la magistrature, rendu applicable aux fonctionnaires territoriaux par l’article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale.
Le requérant produisait au débat des tableaux de pointages, croisés avec ceux de ses collègues.
La Cour estime qu’il n’établit pas que le rejet de sa demande serait constitutif d’une rupture d’égalité entre agents publics ni, à plus forte raison, qu’elle traduirait l’existence d’une discrimination ou d’une sanction, ce qu’au demeurant il n’alléguait pas.
Pour elle, il n’est pas non plus démontré qu’elle porterait atteinte aux droits et prérogatives que l’agent tient de son statut ou à l’exercice de ses droits et libertés fondamentaux.
Elle retient donc la qualification de mesure d’ordre d’intérieur, qui ne permet pas de former un recours et rejette donc l’appel.
Pour prendre rendez-vous, c’est ici.
A consulter également, notre article sur l’égalité de traitement entre salariés.