Actualité

Affaire du Médiator : indemnisation possible du préjudice d’anxiété même en l’absence de maladie grave avérée

Newsletter janvier 2017

Affaire du Médiator : indemnisation possible du préjudice d’anxiété même en l’absence de maladie grave avérée

Le Conseil d’Etat a rappelé, à l’occasion de l’affaire du Médiator que le préjudice moral résultant de la crainte de développer une pathologie grave (dit « préjudice d’anxiété » ou « d’inquiétude ») peut être indemnisé par le juge administratif s’il présente un caractère direct et certain.

 

Si l’affaire du Médiator (médicament dont le principe actif est le benfluorex) est surtout connue pour le contentieux dont fut saisie la juridiction judiciaire à l’encontre du laboratoire Servier, elle a également été portée devant la juridiction administrative.

Le Conseil d’Etat a été ainsi saisi en cassation de trois instances où la responsabilité de l’Etat et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) était recherchée par plusieurs utilisateurs du Mediator.

On rappellera que seul le juge administratif est compétent pour se prononcer sur la responsabilité administrative et condamner des autorités publiques à réparer les préjudices.

L’instance ayant donné lieu à la solution la plus notable, car dégageant un principe applicable au contentieux de la responsabilité au-delà de l’affaire du Mediator, concerne une requérante ayant pris du benfluorex de novembre 2007 à novembre 2009 (date de suspension de l’autorisation de mise sur le marché) et demandant la condamnation solidaire de l’Etat et de l’ANSM à lui verser la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la crainte de développer une maladie grave.

On rappellera que depuis 2015, le Conseil d’Etat reconnaît la possibilité d’indemniser le préjudice moral résultant de l’anxiété à être atteint d’une maladie grave, qu’il a dégagée à l’occasion d’un litige concernant la contamination post-transfusionnelle par le virus de l’hépatite C.

Même si la victime contaminée a été traitée puis guérie, la conscience d’être atteinte d’un maladie grave peut être prise en compte au titre de ses préjudices.

Cette possibilité étant déjà ouverte devant les juridictions judiciaires depuis deux décennies, le caractère innovant de la jurisprudence de 2015 ne tient qu’au champ du contentieux administratif.

Les commentateurs de l’époque voyaient dans cette solution une invitation à une application plus large, dépassant le seul cas de la contamination par l’hépatite C, laquelle se concrétise à l’occasion du Mediator.

Non seulement le Conseil d’Etat confirme le principe de l’existence du préjudice d’anxiété, mais en élargit-il aussi le champ puisqu’il considère possible d’indemniser l’inquiétude éprouvée par l’utilisateur du médicament de développer une pathologie dont il ne souffre pas.

Il casse ainsi l’arrêt de la Cour d’appel qui s’était borné à relever qu’en l’absence de toute hypertension artérielle pulmonaire diagnostiquée, la requérante ne pouvait se prévaloir des inquiétudes qu’elle avait pu nourrir en raison du risque d’apparition d’une telle maladie au motif qu’il n’était « pas établi qu’elles pouvaient être légitimement éprouvées ».

Pour autant, le Conseil d’Etat conditionne ce droit à réparation à la démonstration d’un préjudice présentant un caractère direct et certain avec la faute invoquée.

En l’espèce, la requérante voit sa demande rejetée car la Haute juridiction considère que ces conditions ne sont pas remplies.

D’une part, elle prend en compte le très faible risque de développer une hypertension artérielle pulmonaire tel qu’il ressortait des éléments du dossier (1 centaine d’hospitalisation pour 300.000 utilisateurs) et pareillement pour la valvulopathie cardiaque.

D’autre part, le juge retient que la requérante n’a fait état d’aucun élément personnel et circonstancié pertinent pour justifier du préjudice qu’elle invoque, mais seulement des données générales relatives au risque de développement d’une hypertension artérielle pulmonaire et du retentissement médiatique à compter de 2010 de cette affaire, et que l’ANSM a suffisamment informé les patients sur la réalité des risques encours, par courrier et par internet, de façon claire et précise.

Une appréciation aussi restrictive -assez typique du juge administratif quand il s’agit d’engager l’argent public- risque en définitive de limiter la portée de l’avancée que représente la reconnaissance du préjudice d’anxiété dans le contentieux de la responsabilité administrative.

Consultez les autres news :

Le divorce par consentement mutuel sans juge est arrivé !

La protection de la vie privée d’un salarié a ses limites

Sociétés commerciales : la loi apporte une bonne nouvelle pour les dirigeants !

Test salivaire de détection de drogues : désormais autorisé en entreprise