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Contestation d’un permis de construire : appréciation de l’intérêt à agir du « voisin immédiat »

Newsletter Mai 2016 :

Contestation d’un permis de construire : appréciation de l’intérêt à agir du « voisin immédiat »

 

A peine le Conseil d’Etat venait-il d’apporter des précisions sur la preuve de l’intérêt à agir d’un riverain contre un permis de construire, qu’il était amené, deux mois plus tard, à se prononcer de nouveau sur ce point.

 

C’est dire si la question de la recevabilité des recours contre les autorisations d’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou démolir) est d’actualité et si elle occupe une place privilégiée dans le contentieux de l’urbanisme.

A la lecture de son arrêt du 10 février 2016 (qui avait été abordé dans la Newsletter de mars 2016), on avait appris que, dès lors qu’un requérant n’apporte pas d’éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son immeuble (article L.600-1-2 du code de l’urbanisme), sa requête peut être rejetée sans même être examinée au fond par le Tribunal.

En l’espèce, le requérant arguait de la mitoyenneté de sa parcelle et versait au débat l’acte de propriété et le plan cadastral. Le Tribunal avait considéré qu’il ne démontrait pas son intérêt à agir, faute d’expliciter les effets pouvant résulter de la construction projetée, après y avoir été pourtant invité, et avait rejeté la requête pour irrecevabilité manifeste.

Cette solution allait plus loin que l’arrêt du 10 juin 2015, premier cas où le Conseil d’Etat avait eu à expliciter l’intérêt à agir tel que l’a redéfini le législateur en 2013, en créant l’article L.600-1-2. Il avait posé le principe de la charge de la preuve pour le requérant, et la possibilité du défendeur de le contredire.

Dans un arrêt du 13 avril 2016, la Haute juridiction a apporté à un tempérament, en opérant un assouplissement en faveur des « voisins immédiats« .

Le requérant soutenait qu’en tant que riverain, il subirait les conséquences du projet (deux logements et une piscine) quant à la vue et au cadre de vie, s’agissant d’un immeuble de plus de 10m, sans compter les nuisances liées aux travaux. Cependant, comme nombre d’autres voisins mécontents avant lui, il avait vu sa requête rejetée sans examen au fond, faute d’avoir suffisamment justifié son intérêt à agir selon le Tribunal.

Le Conseil d’Etat censure cette décision en considérant que le requérant, en qualité que « voisin immédiat« , justifie en principe d’un intérêt à agir s’il fait état d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet.

Il rétablit là en partie le régime de présomption dont bénéficiaient les propriétaires riverains, quant à leur intérêt à agir, avant l’introduction de l’article L.600-1-2, qu’il limite aux seuls voisins « immédiats ». On peut douter que le juge administratif, sauf à s’écarter de la volonté du législateur, décide d’élargir davantage le périmètre des personnes susceptibles de contester un permis. La jurisprudence reste à surveiller, notamment pour déterminer ce qui est « immédiat ». On sait déjà que cela ne doit pas s’entendre comme « contigu », car trois autres arrêts ont été rendu le 13 avril 2016, dans le même sens, et les requérants n’étaient pas voisins mitoyens.

On soulignera que les exigences de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme continuent de s’appliquer : le requérant doit arguer d’une atteinte aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance, il est seulement dispensé d’en apporter la preuve. De leur côté, le bénéficiaire et l’auteur du permis pourront renverser cette présomption par tout moyen (sachant qu’une preuve négative sera toujours délicate à établir).

Le Conseil d’Etat semble avoir ainsi trouvé le délicat point d’équilibre entre le droit à un recours et la sécurité juridique, sans s’être pour autant écarté du double objectif affiché par le législateur en 2013 : lutter contre les recours abusifs ou dilatoires et favoriser la construction de logements.

 

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