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L’astreinte constitue intégralement du temps de travail si elle contraint significativement le temps libre du salarié

Newsletter avril 2021

L’astreinte constitue intégralement du temps de travail si elle contraint significativement le temps libre du salarié

Par deux arrêts en date du 9 Mars 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré qu’une astreinte peut intégralement constituer du temps de travail si les contraintes imposées au salarié sont telles qu’elles affectent sa faculté de gérer librement son temps libre.

En droit français, l’astreinte correspond à la période durant laquelle le salarié, « sans être présent sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente de l’employeur, doit néanmoins être en mesure d’intervenir pour accomplir une mission au sein de l’entreprise ».

Le temps pendant lequel le salarié intervient constitue du temps de travail effectif, tandis que le temps d’inactivité est assimilé à du temps de repos, le Code du travail disposant que « la période d’astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien et des durées de repos hebdomadaire ».

Cette position adoptée par le Législateur français est contestée par le Comité Européen des Droits Sociaux, qui y voit une violation du droit à une durée raisonnable de travail.

Pour autant, aucune modification n’a été apportée au droit du travail français.

C’est dans ce contexte qu’interviennent les deux décisions rendues le 9 mars dernier par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

La première affaire concerne un technicien spécialisé qui effectuait, outre ses douze heures de travail ordinaire, des services de garde de six heures par jour, sous régime d’astreinte.
Pendant ces périodes, il n’était pas obligé de rester au centre de transmission concerné mais devait être joignable par téléphone et être en mesure d’y retourner dans un délai d’une heure si besoin.

En réalité, la situation géographique des centres de transmission impose au salarié d’y séjourner pendant ses services de garde, dans un logement de fonction mis à sa disposition par son employeur, sans grandes possibilités d’activités de loisir.

La seconde affaire est relative à un Sapeur-Pompier exerçant son activité en Allemagne.

À ce titre, il devait, en plus de son temps de service réglementaire, effectuer régulièrement des périodes de garde sous régime d’astreinte, et devait donc être joignable et pouvoir rejoindre, en cas d’alerte, les limites de la ville dans un délai de 20 minutes, avec sa tenue d’intervention et le véhicule de service mis à sa disposition.

Saisie à titre préjudiciel par les juridictions nationales respectives des deux intéressés, la Cour précise, notamment, dans quelle mesure des périodes de garde sous régime d’astreinte peuvent être qualifiées de « temps de travail » ou, au contraire, de « période de repos » au regard de la directive 2003/88.

« Une période durant laquelle aucune activité n’est effectivement exercée par le travailleur au profit de son employeur ne constitue pas nécessairement une période de repos », a d’abord rappelé la CJUE.

En particulier, « une période de garde doit automatiquement être qualifiée de temps de travail lorsque le travailleur a l’obligation, pendant cette période, de demeurer sur son lieu de travail, distinct de son domicile, et de s’y tenir à la disposition de son employeur ».

La CJUE ajoute qu’une période de garde est également considérée comme du temps travaillé, « lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours de celles-ci affectent objectivement et très significativement sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de se consacrer à ses propres intérêts ».

La Cour souligne qu’il appartient aux juridictions nationales d’effectuer « appréciation globale de l’ensemble des circonstances » pour vérifier si une période de garde sous régime d’astreinte doit être qualifiée de temps de travail.

La Cour précise enfin qu’elle ne s’oppose pas à ce que la rémunération prenne en compte « de manière différente les périodes durant lesquelles des prestations de travail sont réellement effectuées et celles durant lesquelles aucun travail effectif n’est accompli » même si ces périodes sont considérées comme du temps de travail.

La législation française relative à l’astreinte, et plus particulièrement les dispositions de l’article L.3121-10 du Code du travail, va-t-elle être modifiée pour se mettre en conformité avec ces décisions ?

A suivre …

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