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Un « harceleur » peut-il avoir des excuses ?

Newletter Février 2016

Un « harceleur » peut-il avoir des excuses ?

 

Le harcèlement moral est souvent invoqué dans les contentieux opposant les salariés à leurs employeurs. Peut-on invoquer le comportement même du salarié harcelé comme constitutif d’une excuse ?

Les Tribunaux ont longtemps été hésitants dans la réponse.

Selon que le litige était de nature administrative, devant le Conseil d’Etat, ou de nature privée, devant les différents chambres de la Cour de Cassation, la réponse n’était pas forcément la même.

Petit à petit, ces différentes juridictions ont harmonisé leur jurisprudence dans un sens particulièrement strict pour les employeurs.

Le Conseil d’Etat a été le premier à adopter une position stricte en 2011.

Dans les conflits entre les agents employés par l’Etat ou des collectivités publiques et leur employeur, les Juges ont posé le principe  » la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ».

Il a fallu attendre le 13 mai 2015 pour que la chambre sociale de la Cour de Cassation s’aligne sur cette jurisprudence en condamnant un employeur pour harcèlement moral alors même que celui-ci invoquait le fait que sa salariée était en partie responsable de la dégradation de ses conditions de travail.

Ça n’est qu’ensuite que la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, qui a eu à connaître de la répression du délit de harcèlement moral, s’est, elle même, alignée sur cette ligne.

Il s’agissait en l’espèce d’un Président de communauté de communes qui était soupçonné d’avoir harcelé un agent placé sous ses ordres.

Le harcèlement était constitué de dénigrements publics, d’une mise à l’écart de ses collègues de travail, d’un retrait de ses fonctions et d’un refus d’aménagement de ses horaires de travail sans qu’il y est de justifications à ce refus.

Cela étant, l’agent avait été recruté pour exercer des fonctions de secrétaire général sans disposer des compétences nécessaires pour exercer le poste de sorte qu’il s’est retrouvé dans une situation professionnelle délicate et a dû essuyer les critiques de sa hiérarchie quant à la qualité de son travail.

Cet agent, particulièrement susceptible, a fait preuve par ailleurs d’agressivité à l’égard de ses collègues de travail à tel point que certains de ses collègues ont vu leur état de santé physique et mentale se dégrader en raison du comportement de l’agent.

Pour la Cour de Cassation, dès lors que l’employeur outrepasse les limites de son pouvoir de direction, le harcèlement moral peut être constitué et ce, peu importe la manière dont le salarié s’est comporté à l’égard de son travail, de ses collègues ou encore de sa hiérarchie.

Les Juges considèrent que lorsqu’un employeur se plaint du comportement d’un collaborateur, il lui est loisible d’utiliser son pouvoir de direction mais aussi est surtout son pouvoir disciplinaire en sanctionnant le salarié voire même en le licenciant.

Cette jurisprudence apparaît intransigeante mais peut trouver ses limites lorsque deux salariés sans lien hiérarchique se harcèlent mutuellement.

Dans ce cas, l’un ne peut pas faire jouer son pouvoir disciplinaire sur l’autre.

Il est en tout cas fort à parier que même dans cette hypothèse, l’employeur pourrait être déclaré responsable d’avoir laissé s’instaurer une telle situation et ne pas avoir pris de mesures destinées à la prévenir.

L’abondant contentieux du harcèlement moral ne semble pas pouvoir se tarir dans les mois ou années qui viennent.

 

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