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15/06/2025 : Faute grave et licenciement : l’employeur doit agir très vite 

 

Si le salarié licencié pour faute grave saisit le juge au motif que l’employeur n’a pas engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint, le juge doit rechercher si l’employeur a été suffisamment réactif.

La Cour de cassation a donné une définition précise de la faute grave ; celle-ci est caractérisée par la réunion de trois éléments :

  • la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié personnellement;
  • le ou les faits incriminés doivent constituer une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise. Ainsi la faute grave ne peut être retenue pour des faits étrangers à la relation de travail ;
  • la faute grave est celle qui rend le départ immédiat du salarié nécessaire ; l’intention de nuire n’étant pas nécessaire ;

En cas de faute grave, la procédure doit alors être engagée rapidement.

Il s’agit d’un élément essentiel découlant de la définition de la faute grave.

Il faut, en effet, que la poursuite de la relation contractuelle pendant les quelques semaines de préavis soit rendue impossible par les faits incriminés (et non pas seulement plus difficile), pour que la faute grave puisse être retenue.

La mise en œuvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

La Cour de cassation a maintes fois rappelé ce principe et en dernier lieu dans un arrêt rendu le 27 mai dernier.

Et les juges se doivent de vérifier que cela a bien été le cas.

 

Les faits :

Dans l’affaire du 27 mai 2025, une salariée licenciée pour faute grave saisit la justice, estimant que la qualification de faute grave ne pouvait être retenue puisque l’employeur avait eu connaissance des griefs formés à son encontre à l’occasion d’un contrôle effectué le 11 octobre 2019 et qu’il n’avait engagé la procédure de licenciement que le 21 novembre 2019, soit près d’un mois et demi plus tard, sans que cela ne soit justifié par des investigations complémentaires.

Elle est déboutée par la cour d’appel, qui considère que les griefs de l’employeur étaient établis, le fait de s’affranchir des règles internes de fixation et de contrôle du temps de travail en profitant d’une délégation donnée pendant l’absence d’une autre salariée étant constitutif d’une faute grave.

La salariée se pourvoit en cassation, estimant que les juges du fond avaient retenu la qualification de faute grave sans vérifier si la procédure de licenciement avait été mise en œuvre dans un délai restreint.

 

La solution :

Elle est entendue par la chambre sociale, qui rappelle en premier lieu la position défendue par celle-ci selon laquelle « la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ».

Or, la cour d’appel n’avait pas recherché, comme elle y avait été invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en œuvre dans un délai restreint après la constatation par l’employeur des faits imputés à la salariée. L’arrêt est cassé et l’affaire sera rejugée devant une autre cour.

 

Qu’est-ce qu’un délai restreint ?

 

Le délai restreint, une notion qui dépend beaucoup des circonstances de fait.

En effet, c’est aux juges du fond qu’il appartient de se pencher sur la « réactivité » de l’employeur dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement pour faute grave,.

La Cour de cassation se charge, elle, de vérifier que les juges du fond ont bien contrôlé cet élément avant de caractériser la faute grave.

Ces mêmes juges doivent pour cela également apprécier si les circonstances nécessitaient des vérifications ou enquêtes pour l’appréciation du degré de gravité de la faute commise.

A titre d’exemples, il a déjà été jugé que la faute grave ne peut être prononcée :

– si l’employeur a accepté que le contrat de travail se poursuive pendant la durée du préavis, même sous un contrôle particulièrement strict.

– s’il reconnaît expressément au salarié son droit à préavis, même s’il a été dispensé de l’exécuter.

– ou encore si le salarié, licencié pour faute grave par lettre du 22 décembre, a poursuivi son travail dans l’entreprise jusqu’au 31 décembre.

 

De même lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable 2 mois moins un jour après la connaissance des faits fautifs (Cass. soc., 22 janv. 2020, n° 18-18.530), plus de 3 semaines après la connaissance des faits (Cass. soc., 23 oct. 2012, n° 11-23.861), ou plus de 5 semaines après celle-ci (Cass. soc., 6 oct. 2010, n° 09-41.294, n° 1751 FS – P + B).

En revanche, un délai de 8 jours entre la commission des faits et la convocation à l’entretien préalable ne peut priver l’employeur du droit d’invoquer la faute grave (Cass. soc., 8 oct. 1992, n° 91-41.879).

L’employeur a également été considéré avoir agi dans un délai restreint dès lors que le fait reproché au salarié s’était produit le 17 septembre et que l’employeur avait introduit la procédure de licenciement le 8 octobre (soit dans un délai de 21 jours) (Cass. soc., 4 mai 2017, n° 15-20.184).

Remarque : l’engagement « tardif » de la procédure peut être validé par les juges lorsqu’il est établi qu’un délai a été nécessaire après révélation de la faute commise par le salarié notamment pour s’assurer de l’existence même de cette faute, ou pour en apprécier la gravité (Cass. soc., 12 oct. 1983, n° 81-40.703 : Bull. civ. V, n° 484 ; Cass. soc., 10 mars 1993, n° 91-44.504).

Afin d’éviter tout risque, il est donc indispensable de prendre les mesures disciplinaires très vite après la connaissance des faits par l’employeur.

L’argument de la lenteur est très souvent utilisé par les salariés.