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10/03/2023 : Contrôle des structures agricoles : que se passe-t-il quand plusieurs candidats demandent à exploiter la même terre ?

On rappellera à titre liminaire, qu’indépendamment des considérations relevant du droit rural, qui concerne les rapports de droit privé entre bailleur et locataire d’une parcelle, l’exploitation des terres agricoles est encadrée par un régime d’autorisation administrative.

Le code rural fixe les objectifs qui guident l’autorité préfectorale compétente dans l’examen des demandes d’autorisation. Le principal objectif est de favoriser l’installation des agriculteurs. Il existe ensuite des objectifs secondaires :

  • consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre ou de conserver une dimension économique viable
  • promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont la filière biologique, et leur pérennisation
  • maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d’exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d’une même personne physique ou morale excessifs

La viabilité et la limitation des agrandissements s’apprécient à l’aune de critères définis par un schéma directeur régional.

Chaque projet d’installation d’agriculteur, d’agrandissement ou réunion d’exploitations commence par l’obtention d’une autorisation, après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture, à partir d’un seuil réglementaire de surface exploité. Dans certains cas, une simple déclaration préalable peut suffire.

Il n’est pas rare, du fait du nombre limité de terres agricoles dans le contexte foncier actuel, qu’il y ait plusieurs demandes déposées pour obtenir l’autorisation d’exploiter une terre.

Le cabinet fait le point sur les pouvoirs du préfet en cas de mise en concurrence.

Quand y a-t-il mise en concurrence ?

Juridiquement, la réponse est toujours : dès lors qu’une terre agricole est disponible pour être exploitée, il y a publication mensuelle d’un appel à candidatures pour permettre aux potentiels intéressés de déposer leurs demandes. Ces demandes sont elles-mêmes publiées.

En pratique, s’il n’y a qu’une candidature, il n’y aura évidemment pas de concurrence en tant que telle, mais ce n’est qu’à l’issue du délai de candidature fixé par le préfet qu’on le sait.

Les scénarios de concurrence sont multiples : il peut s’agir par exemple d’une terre qui se « libère » après le départ en retraite du preneur en place, sur laquelle le propriétaire veut désormais installer son propre fils, nouvellement diplômé. Mais un GAEC dont le siège d’exploitation se trouve à proximité convoite cette terre pour s’agrandir.

Le préfet est-il obligé de faire un choix ?

Depuis 2014, le code rural donne au préfet un pouvoir d’appréciation étendu.

Tout d’abord, celui-ci n’est pas obligé de départager des candidats qui se trouvent dans un même rang de priorités. C’est le schéma directeur régional qui fixe l’ordre des priorités, en fonction des préoccupations économiques locales.

Il peut donc coexister plusieurs autorisations pour une même parcelle, et c’est le propriétaire qui tranchera en concluant un bail rural avec celui de son choix. Le candidat évincé pourrait envisager de contester l’autorisation concurrente devant le tribunal administratif, en démontrant qu’il était prioritaire.

Récemment, ce pouvoir s’est encore trouvé élargi par la jurisprudence.

La Cour administrative d’appel de Nantes a validé la faculté du préfet à s’écarter des priorités du schéma directeur et à délivrer une autorisation à un agriculteur qui n’est pas prioritaire.

Cela doit rester exceptionnel, en ce qu’il faut qu’il existe un motif d’intérêt général ou des circonstances particulières, contrôlés par le juge administratif au cas par cas.

En l’espèce, « s’affrontaient » un GAEC, qui avait eu une autorisation tacite d’exploiter, et un exploitant souhaitant s’installer, qui avait eu une autorisation expresse. Initialement, le préfet avait décidé de retirer l’autorisation du GAEC, puis y avait renoncé. Il avait pris en considération que le GAEC avait fait de lourds investissements suite à son autorisation pour une activité d’élevage (achat cheptel, location stabulation, conclusion bail rural), ce qui n’était pas le cas du futur agriculteur. En outre, le GAEC allait permettre l’installation de deux jeunes agriculteurs.

L’exploitant a saisi le juge administratif pour contester le refus de retirer l’autorisation concurrente, considérant qu’il était prioritaire.

La Cour annule le jugement qui rejetait la requête : les circonstances ne permettaient pas au préfet de déroger à l’ordre de priorité dans ce dossier.

Les avocats du cabinet ACTION-CONSEILS interviennent en droit agricole et apportent un accompagnement juridique aux exploitants lors de leurs démarches ou de leurs contentieux.

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