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22/08/2022 : Fonction publique : focus sur deux jurisprudences relatives au télétravail

Si le travail à distance des agents publics est devenu un mode d’activité presque banal, son régime juridique suscite encore certains questionnements.

L’été 2022 a donné au Conseil d’Etat l’occasion de statuer sur deux points particuliers : les tickets-restaurant et le lieu de travail.

Le télétravail empêche-t-il de bénéficier de titre-restaurants ?

Tel était le débat porté par un agent d’une DDFIP qui avait signé une convention individuelle de télétravail à domicile en 2017 (bien avant le contexte sanitaire qui l’a depuis généralisé). L’agent estimait qu’il était éligible au bénéfice de « tickets-resto » mais son employeur avait refusé sa demande puisque son poste d’affectation était situé à proximité d’un restaurant administratif.

Se fondant sur l’article 6 du décret du 11 février 2016 relatif aux modalités de télétravail, et à l’article 19 de l’ordonnance du 27 septembre 1967 sur les titres-restaurants, la Haute juridiction pose le principe que lorsqu’une administration décide d’attribuer le titre restaurant à ses agents, ceux qui exercent leurs fonctions en télétravail bénéficient du même droit à l’attribution de ce titre que s’ils exerçaient leurs fonctions sur leur lieu d’affectation.

En conséquence : soit le lieu d’affectation dispose d’un restaurant collectif, et l’agent en télétravail n’a pas droit à des tickets ; soit il n’en dispose pas et il doit s’en voir attribuer même s’il se restaure chez lui.

En l’espèce, l’agent disposait d’un dispositif de restauration collective à proximité de son affectation. Il n’avait donc pas la possibilité de solliciter des tickets-restaurants pour ses jours de télétravail, peu important l’éloignement.

L’agent public est-il libre de choisir le lieu de télétravail ?

Ne plus devoir se déplacer autant a conduit de nombreux employés à envisager de déménager parfois loin de leur lieu d’affectation. Un tel éloignement n’est pas toujours simple à gérer pour l’employeur public, contraint d’assurer la continuité du service aux usagers.

Aussi, la secrétaire générale du ministère de l’Agriculture avait-elle pris une note de service prescrivant aux agents de déclarer leur lieu de télétravail. 

Elle énonçait notamment « la décision d’accorder ou non l’autorisation de télétravail tient compte de la nature et des caractéristiques de l’activité du demandeur, des orientations collectives régissant la communauté de travail, de l’efficacité et de la cohésion de l’organisation du travail et des équipes et des nécessités de service. L’autorisation accordée peut être plus circonscrite que la demande de l’agent ».

Puis, elle précisait : « L’agent doit déclarer le lieu d’exercice de son télétravail. Ce lieu doit permettre un retour sur site dans des délais compatibles avec un éventuel rappel sur site par l’administration, qui peut intervenir à tout moment en cas de nécessité de service ».

Le recours d’un agent chargé de mission au sein du ministère, estimant cette note illégale, a été rejeté par le Conseil d’Etat. 

Il considère que cette note se borne à préciser les pratiques de mise en œuvre du télétravail, en application des textes existants (notamment le décret du 11 février 2016 précité). Elle n’ajoute pas au texte de nouvelles conditions pour être autorisé à télétravailler. Elle ne crée pas d’inégalité de traitement en les agents. Au regard de l’obligation d’exécuter les tâches confiées par sa hiérarchie, une exigence de proximité s’impose, en particulier parce qu’une nécessité de service peut conduire à reporter un jour télétravaillé (comme le prévoit le décret du 11 février 2016 avec un délai de prévenance de 48h).

Enfin, il n’est pas créé d’obligation de résidence à proprement parler, et l’éventuelle restriction du choix du domicile personnel n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.