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Barèmes des indemnités pour licenciement abusif : les juges font de la résistance :

Newsletter janvier 2021 :

Barèmes des indemnités pour licenciement abusif : les juges font de la résistance :

 

Le code du travail prévoit, depuis les ordonnances dites « MACRON », un barème d’indemnisation fixé à l’avance lorsqu’un licenciement est jugé abusif par le juge.

Un débat s’est instauré sur la conformité des dispositions Françaises aux dispositions internationales. On le pensait régler mais certains juges résistent.

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail prévoient qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à défaut de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est fixé par le code du travail.

La question s’est posée de savoir si ces dispositions étaient compatibles avec la convention internationale de l’organisation Internationale du travail (OIT) et à la charte sociale européenne qui posent le principe d’une réparation juste et proportionnée du préjudice ce qui tend à exclure d’office tout barème.

La Cour de Cassation a rendu deux avis qui, semble-t-il avait clos le débat dans la mesure où elle avait estimé que le barème Français était compatible avec les dispositions de la convention OIT et que les dispositions de la charte sociale européenne ne pouvaient être invoquées directement en droit Français.

Pour autant, certains juges continuent de ne pas suivre cet avis et entrent en résistance ce qui introduit à nouveau une source d’insécurité pour les employeurs.

Un arrêt de la Cour d’Appel de BOURGES rendu le 6 Novembre dernier illustre cette résistance.

Un salarié avait été licencié après 5 ans d’ancienneté à l’âge de 59 ans.

Le barème légal en cas de licenciement abusif est compris entre 3 et 6 mois de salaire à titre d’indemnisation.

Les juges lui ont alloué une indemnité supérieure ce que contestait l’employeur.

La Cour d’Appel lui répond.

« En cause d’appel, M. B (le salarié) soulève en l’espèce l’inconventionnalité de ces dispositions en ce qu’elles seraient contraires à celles des articles 4 et 10 de la convention N°158 de l’OIT et à celles de l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 révisée, outre en ce qu’elles heurteraient le droit au procès équitable inscrit à l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il en déduit que l’application des dispositions nationales porte une atteinte disproportionnée à ses droits et le prive de la possibilité d’être intégralement indemnisé du préjudice qu’il a subi. Il sera toutefois rappelé que les dispositions précitées de l’article L 1235-3, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l’indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6 § 1 précité.

Par ailleurs, en ce qu’elles laissent une trop importante marge d’appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre d’un litige devant les juridictions judiciaires nationales, les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne révisée ne sont pas d’applicabilité directe en droit interne ».

Tel n’est pas le cas en revanche de l’article 10 de la convention N°158 de l’OIT sur le licenciement.

Ce texte stipule que, lorsque les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et, si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

 L’indemnité est « adéquate » lorsque son montant est suffisamment dissuasif pour éviter le licenciement injustifié.

Il doit raisonnablement permettre d’atteindre le but visé, à savoir l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. En droit français, l’article L 1235-3 du code du travail permet de moduler l’indemnisation du dommage causé par le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse d’un salarié en fonction de l’ancienneté, critère objectif du préjudice subi et de l’adapter dans les limites légales, à la situation de chaque salarié selon des critères qui lui sont propres. En outre, une possibilité de voies alternatives est ouverte dès lors qu’un licenciement est considéré comme nul ou pour permettre au salarié de demander réparation de préjudices distincts de la perte d’emploi.

Le plafonnement instauré par les dispositions précitées de l’article L 1235-3 présente des garanties suffisantes pour qu’au regard de l’objectif poursuivi, l’atteinte nécessaire aux droits fondamentaux n’apparaisse pas en elle-même disproportionnée.

Le contrôle de conventionnalité, exercé de façon objective et abstraite sur l’ensemble du dispositif conduit par conséquent à conclure, peu important la situation de M. B, à la conventionnalité de celui-ci.

Pour autant, lorsqu’un licenciement est injustifié, le contrôle de conventionnalité ne dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché, en l’occurrence l’indemnisation intégrale du préjudice qu’il a subi.

Or, en l’espèce, il apparaît que M. B était âgé de 59 ans au jour de son licenciement et comptabilisait 5 années d’ancienneté au sein de l’entreprise.

Il justifie d’un nombre impressionnant de recherches d’emploi demeurées vaines sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas les avoir circonscrites à son domaine de compétences, la logistique.

En effet, eu égard à son âge et au marché français de l’emploi, il était de son intérêt d’étendre ses recherches bien au-delà de son domaine principal de compétences. Il ne peut davantage lui être reproché la tardiveté de ses recherches puisque, sur la période d’octobre 2019 à juillet 2020, il justifie d’au moins 177 dépôts de candidatures.

Eu égard à son âge, 59 ans, et à la difficulté qui en résulte pour lui et dont il justifie de retrouver un emploi dans un marché du travail en tension, l’application des dispositions précitées de l’article L 1235-3 du code du travail porte en l’espèce une atteinte disproportionnée à ses droits en ce qu’elle ne permet pas l’indemnisation intégrale de son préjudice. Elle contrevient pour ce motif aux dispositions précitées de l’article 10 de la convention N°158 de l’OIT.

C’est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont en l’espèce écarté l’application des dispositions de l’article L 1235-3. »

Une telle résistance peut-elle conduire la Cour de Cassation à revoir sa position et à ouvrir la possibilité aux juges de s’écarter du barème ?

Il est essentiel de suivre de près ce débat dans la mesure où il pourrait conduire à réintroduire une insécurité juridique pour les employeurs en cas de licenciement contesté.

C’était précisément pour lutter contre cette insécurité que les règles ont été modifiées.

Vigilance donc.

 

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