Actualité

L’apport en compte courant d’un associé peut constituer une faute de gestion

Newsletter novembre 2020 :

L’apport en compte courant d’un associé peut constituer une faute de gestion

 

Alors que les pouvoirs publics ont annoncé récemment un second confinement, de nouveau, de nombreuses entreprises se trouvent confrontées à d’importantes difficultés au regard de l’obligation qui leur est faite de cesser toute activité ou de travailler en mode dégradé. La trésorerie des entreprises est ainsi mise à rude épreuve.

Dans ce contexte, une décision récente rendue par la chambre commerciale de la Cour de cassation ne peut que jeter un trouble supplémentaire dont les entreprises se seraient bien passées en ces temps difficiles.

L’affaire soumise à la Cour de cassation se présentait ainsi qu’il suit.

L’associé d’une start-up en difficulté avait fait un apport en compte courant important qui n’avait pas empêché sa mise en liquidation judiciaire.

Plus précisément, cette société avait été assignée en redressement judiciaire par un créancier suite à une dette de 96 705 €.

Entre la demande d’ouverture de la procédure collective et la date du jugement du tribunal de commerce, l’associé avait apporté en compte courant, une somme de 300 000 € étant précisé que le capital social de la société s’établissait à 10 000 €.

Le liquidateur judiciaire désigné ainsi que le ministère public ont assigné en responsabilité pour insuffisance d’actif cet associé devant le tribunal de commerce.

Au soutien de leur demande, ils soutenaient que cet associé avait commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société et demandaient donc qu’il supporte le montant de cette insuffisance d’actif.

Pour faire droit aux demandes qui lui étaient présentées, le tribunal de commerce saisi a jugé que cet apport en compte courant était anormal et s’analysait en une faute de gestion consistant en la poursuite d’une activité déficitaire.

La Cour de cassation a suivi le tribunal et a jugé que cet apport en compte courant constitue un financement anormal destiné à soutenir artificiellement la trésorerie de l’entreprise en dissimulant la persistance de son état de cessation de paiement.

Nul doute qu’il conviendra, à l’avenir, pour les tribunaux de commerce de se livrer à une analyse au cas par cas, lorsqu’ils sont en présence d’un apport en compte courant.

On ne saurait, en effet, considérer qu’un apport en compte courant revêt nécessairement un caractère anormal, alors même qu’il apparaît légitime qu’un associé puisse apporter les sommes destinées à favoriser le fonctionnement d’une société.

Les dirigeants et associés sont, quant à eux, invités à être vigilants sur les conditions dans lesquelles ils procèdent à des apports en compte courant.

La question peut, par ailleurs se poser, de savoir si, dans une telle hypothèse, l’état de cessation de paiement était caractérisé et pouvait donc justifier l’ouverture d’une procédure collective alors qu’au moment où le tribunal de commerce statuait, l’apport en compte courant opéré permettait à la société de faire face à ses dettes.

L’état de cessation de paiement est, en effet, caractérisé lorsque l’entreprise ne peut faire face avec son actif disponible à son passif exigible.

Or, depuis une réforme intervenue en 2008, le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible ne sera pas considéré en état de cessation de paiement.

Ne fallait-il pas ici considérer l’avance en compte courant comme une réserve de crédit ?

Il résulte d’une jurisprudence de la Cour de cassation que les liquidités apportées par le dirigeant peuvent être prise en compte pour apprécier son actif disponible.

En effet, constitue un actif disponible une avance de trésorerie qui n’est pas bloquée ou dont le remboursement n’a pas été demandé.

Ainsi, si une avance en compte courant a été faite mais que l’entreprise se heurte à une demande de remboursement de la part de l’associé qui y a procédé, nul doute que cette avance en compte courant ne pourra pas être prise en considération pour apprécier le montant de l’actif disponible.

À l’inverse, s’il n’y a aucune demande de remboursement de l’avance en compte courant, celle-ci doit être prise en considération pour apprécier l’actif disponible.

On peut donc s’interroger sur la question de savoir pourquoi la start-up évoquée ci-dessus a été considérée comme en état de cessation de paiement et a fait l’objet d’une procédure collective ?

C’est parce que le tribunal a considéré que, dès lors qu’il s’agissait d’une avance en compte courant anormale, elle ne devait pas être prise en considération pour apprécier l’actif disponible de la start-up.

Dès lors que l’avance en compte courant de 300 000 € n’était pas prise en compte et que la société avait un passif exigible de 90 000, son état de cessation de paiement était caractérisé et l’ouverture de la procédure collective s’imposait donc.

Rappelons, pour terminer, que le code de commerce prévoit l’obligation pour le dirigeant de procéder à la déclaration de son état de cessation de paiement dans un délai de 45 jours à compter de celui-ci.

Le fait pour le dirigeant d’omettre de procéder à cette déclaration de cessation des paiements constitue également une faute de gestion pouvant être retenue à son encontre pour prononcer contre lui des sanctions personnelles et/ou pécuniaires.

 Il est clair que dans le contexte actuel, notre économie se serait volontiers privée de ce genre de décision qui ne peut que jeter le trouble sur ce qu’il est permis de faire ou pas.

 

Consultez les autres news :

Le télétravail obligatoire ?

Prise en charge de la COVID 19 au titre de la législation sur les risques professionnels : à quelles conditions ?

Adoption de la Loi d’accélération et de la simplification de l’action publique