Lorsqu’un salarié revient d’un long arrêt maladie, la question de son aptitude à reprendre le travail devient souvent un sujet sensible. L’avis rendu par le médecin du travail est alors déterminant, aussi bien pour la santé du salarié que pour la sécurité juridique de l’employeur.
Entre les obligations de reclassement, les avis du médecin du travail et le risque de contestation prud’homale, chaque décision compte.
Un récent arrêt de la Cour de cassation rappelle un principe clé : le médecin du travail évalue le poste effectif, ses contraintes et ses gestes, et non pas simplement son intitulé. Cette précision peut sembler subtile, mais elle a des conséquences importantes pour les employeurs, notamment lors d’un licenciement pour inaptitude.
Quand le salarié doit-il rencontrer le médecin du travail après un arrêt maladie?
Lorsque le salarié a été placé en arrêt maladie depuis plus de 60 jours, la visite médicale est obligatoire.
Une fois que le salarié a informé son employeur de la fin de son arrêt maladie, ce dernier a un délai de 8 jours pour fixer un rendez-vous auprès de la médecine du travail. Sans prise d’initiative de l’employeur à l’issue de ce délai, le salarié peut lui-même prendre rendez-vous.
Dans cette affaire, un salarié, en arrêt maladie pendant près de cinq ans, a été déclaré inapte à son poste d’opticien par le médecin du travail. Cependant, celui-ci a indiqué qu’il restait apte à occuper un poste de vendeur, sous réserve d’éviter les gestes répétitifs des membres supérieurs et les mouvements amenant les bras au-dessus de la ligne des épaules.
Suivant ces recommandations, l’employeur lui a proposé un poste de vendeur. Le salarié a refusé, considérant que ce poste impliquait malgré tout des gestes contraires aux préconisations médicales. En conséquence, l’entreprise a procédé à un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le salarié a alors contesté son licenciement, estimant que l’employeur n’avait pas respecté son obligation de reclassement.
L’obligation de reclassement : une responsabilité essentielle de l’employeur
La jurisprudence rappelle avec constance que, lorsqu’un avis d’inaptitude est rendu, l’employeur doit rechercher toutes les possibilités de reclassement au sein de l’entreprise (voire du groupe).
Les postes proposés doivent être compatibles avec les indications et restrictions énoncées par le médecin du travail.
En cas d’inaptitude, l’employeur doit rechercher toutes les possibilités de reclassement compatibles avec les restrictions du médecin du travail, y compris sur des postes équivalents ou aménagés. Cette démarche doit être réalisée sérieusement, en tenant compte des indications médicales précises.
Cependant, lorsque le salarié exprime un désaccord sur la compatibilité d’un poste proposé avec les recommandations médicales, l’employeur ne peut pas se contenter de son interprétation. Il doit impérativement solliciter à nouveau le médecin du travail pour obtenir une confirmation ou un complément d’avis.
Il en va de même s’il apparaît que le poste envisagé pourrait poser problème ’employeur doit impérativement solliciter à nouveau le médecin du travail.
Ce dernier est donc seul compétent pour confirmer si le poste de reclassement proposé respecte les prescriptions médicales (gestes, postures, contraintes physiques, etc.).
Ce qu’a rappelé la Cour de cassation
Dans cette affaire, la Cour de cassation a estimé que l’employeur aurait dû consulter de nouveau le médecin du travail lorsque le salarié a exprimé ses réserves sur le poste proposé. Faute de l’avoir fait, l’entreprise s’est exposée au risque que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse, pour manquement à son obligation de reclassement.
Cet arrêt souligne un principe essentiel : le médecin du travail apprécie la réalité du poste de travail dans sa dimension concrète, et non pas son simple intitulé. L’employeur doit donc s’assurer que le contenu du poste correspond pleinement aux préconisations médicales, y compris lorsqu’il s’agit d’un emploi a priori similaire ou de même catégorie.
Conseils pratiques :
- Consulter attentivement les indications du médecin du travail et les consigner dans le dossier salarié.
- Vérifier que le poste proposé correspond strictement aux capacités mentionnées.
- En cas de doute ou de contestation, reconsulter immédiatement le médecin du travail.
- Documenter l’ensemble des démarches de reclassement effectuées.
- Se faire assister par un avocat en droit du travail pour sécuriser la procédure et éviter tout risque contentieux.
Cet arrêt illustre la complexité du reclassement des salariés inaptes et l’importance d’une communication rigoureuse entre employeur, salarié et médecin du travail. Pour les dirigeants de petites et moyennes entreprises, une approche proactive et juridiquement encadrée demeure la meilleure garantie de conformité et de prévention des risques sociaux.
Un simple doute ou désaccord doit conduire à solliciter à nouveau le médecin du travail, faute de quoi le licenciement pourrait être jugé injustifié.
Pour les dirigeants de petites et moyennes entreprises, sécuriser ces démarches est essentiel afin d’éviter tout contentieux prud’homal. Les avocats de notre cabinet accompagnent les entreprises dans la gestion de ces situations sensibles.
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