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05/05/2024 : Quand il existe une tolérance de passage, il n’y a pas d’enclave.

Le Code civil prévoit la possibilité pour le propriétaire d’un fonds enclavé de réclamer le bénéfice d’une servitude de passage sur le fonds de son voisin pour accéder à la voie publique.

Le fonds enclavé est, en effet, un fonds qui ne dispose sur la voie publique d’aucune issue ou d’une issue insuffisante.

L’article 682 du Code civil prévoit alors que le propriétaire de ce fonds enclavé peut réclamer sur le fonds de son voisin un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds, à charge pour lui de verser à ce voisin une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 mars 2024 bouleverse les règles applicables en la matière.

En effet, la Cour de cassation vient de juger que le fonds qui bénéficie d’une tolérance de passage permettant un accès suffisant à la voie publique pour les besoins de son exploitation n’est pas enclavé tant que cette tolérance est maintenue.

Pour la Cour de cassation, peu importe que cette tolérance ne soit pas personnellement accordée au propriétaire du fonds mais soit réservée à celui qui l’exploite.

Elle en tire pour conséquence que la parcelle concernée n’est pas enclavée, de sorte qu’elle refuse l’instauration d’une servitude de passage.

Ainsi donc, il faudra attendre que la tolérance accordée disparaisse pour pouvoir agir en instauration d’une servitude de passage.

 Cette décision est extrêmement surprenante à plusieurs titres.

Tout d’abord, il faut rappeler que lorsqu’une servitude de passage est instaurée, elle l’est au bénéfice du fonds lui-même et non de son propriétaire ou exploitant. Ainsi, la servitude accordée « suivra » le fonds concerné et bénéficiera donc aux différents propriétaires ou exploitants de l’immeuble.

La servitude de passage est ainsi une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire.

Tel n’est pas le cas d’une tolérance de passage généralement accordée à une personne en particulier en raison des relations ou bons rapports entretenus. Souvent, cette tolérance ne profitera pas de manière générale à toute personne se rendant sur le fonds concerné.

Comment dans ces conditions peut-on considérer qu’une telle tolérance supprime l’état d’enclave d’une parcelle ?

D’autre part, une tolérance de passage peut être supprimée à tout moment et sans préavis.

Peut-on en conclure dans ce cas que la parcelle n’est pas enclavée ?

Cela signifie que le propriétaire et l’exploitant est et reste dans une situation de grande précarité puisque la tolérance de passage peut être supprimée à tout moment.

On lui demande donc d’attendre que cette tolérance de passage soit supprimée pour prétendre à l’instauration d’une servitude de passage.

Lorsqu’on connait les délais nécessaires pour obtenir une décision de justice, se pose pour lui la question de savoir comment il pourra exploiter son fonds entre le moment où la tolérance de passage lui sera retirée et le moment (au moins 18 mois plus tard) où le juge lui accordera éventuellement la servitude de passage sollicitée.

Cette décision est donc particulièrement contestable et va placer les propriétaires des fonds enclavés dans une situation de grave insécurité juridique.

Espérons que la Cour de cassation revienne bientôt sur cette décision. Affaire à suivre….

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